Arnaud Le Guilcher, En moins bien, 2009
Ce roman invite le lecteur à partager la déchéance d’un homme, celle d’un écrivain raté dont la vie se résume à un boulot de blanchisseur dans une petite ville isolée et ennuyeuse des Etats-Unis. Sans famille et un meilleur ami qu’il connaît que trop peu, il s’éprend d’une jeune femme, Emma, qu’il épouse sur-le-champ. En guise de voyage de noce, il l’emmène dans un hôtel en bord de mer à moindre prix, pour ne pas dire miteux. Le protagoniste préférant passer la soirée accoudé au bar à écouter des histoires de pingouins plutôt que d’assurer sa nuit de noce, sa femme déserte. Cet anti-héro sombre alors dans l’alcool, et secondé par l’unique employé, ses rares clients et ses connaissances qui le rejoignent, il remet sur pied cette station balnéaire qu’il renomme « Emma revient », en un cri d’espoir. Un mari délaissé par sa conjointe adultère fait les cent pas nuits et jours jusqu’à épuisement sur la dune, sous le regard ahuri de ses deux enfants. Bientôt, ce spectacle est mis sous les projecteurs des journalistes télévisés. La station de Sandpiper devient alors le refuge de jeunes suicidaires, d'âmes perdues et de curieux, tout cela sous l’œil calculateur des médias faisant de ce lieu de perdition un plateau idéal de télé réalité des plus sordides.
Cette histoire terrible d’alcoolisme, de suicide et de désespoir n’est pas pour autant associée à un récit tragique. Ce qui devrait être aux yeux du lecteur pathétique devient hilarant sous une écriture spontanée, vive, très familière et presque orale. Cet humour grinçant permet d’adhérer à l’histoire de ce loser. Le loufoque, l’absurde ont une place prépondérante dans cette drôle d’aventure ; un pélican nommé JFK oppressant, un germanique qui tourne sur la dune, des histoires de pingouins à l’origine d’une rupture, une bande de bras cassés comme sujet premier des journaux télévisés… ajouté à cela les rêves hallucinants du narrateur perdu dans le corps de sa bien aimé disparue.
Cette pornographie de la misère des uns et des autres où l’abandon et les relations fortuites sont omniprésentes, démontre un malaise social important menant pour certains à la mort comme seul échappatoire. L’hystérie générale de cette nouvelle communauté permet au narrateur, de nature discrète, de jouir d’une certaine gloire, ironique, à présent meneur de Sandpiper.
Un début fracassant mais un rythme qui ralentit, un peu lassant parfois, mais une fin savoureuse et un retour à l’espoir, annonçant une suite Pas mieux (2011) donc, peut être à suivre… Un livre facile à lire et à apprécier, léger, drôle bien qu’un peu décevant.