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25 avril 2012

Philippe Claudel, L'Enquête, 2010

claudel

Tout commence comme une journée ordinaire pour l’Enquêteur ; l'arrivée dans une gare des plus banales, le parcours d’une place semblable à tant d’autres et la prise d’une eau gazeuse dans un café quelconque. Sa mission est d’élucider le mystère d’une vague de suicides qui a frappé l’Entreprise de cette ville, mais son parcours semé d’embûches le fait dévier de son but premier. 

Au départ réaliste, ce récit proche d’une fable fait basculer le personnage dans un univers irrationnel, presque cauchemardesque. L’Enquêteur découvre une ville hostile dirigée par une entreprise tentaculaire recouvrant tous les secteurs d’activités possibles et inimaginables. L’Hôtel de l’Espérance où il séjourne est hallucinatoire : fenêtres murées, voix suppliantes sorties de nul part, eau brûlante, masses de touristes ou de « déplacés » vouées à disparaître en l’espace d’un instant… Les situations les plus absurdes nourrissent également cet environnement surréaliste comme les pas de danse ratés du Responsable, un saucisson aussi dur qu’une pierre, un vigile soudainement épris d’une tendresse excessive, la récitation d’un règlement intérieur au beau milieu de la nuit, ou encore le dialogue avec les cendres d’un suicidé. 

Canular, mort, cauchemar, manipulation, folie, drogue, expérience comportementale… toutes les interprétations ne sont pas négligeables au cours de cette histoire. 

Cette confusion et nausée ainsi que ce malaise grandissant chez le personnage comme chez le lecteur rapproche L’Enquête de l’œuvre de Kafka. Cette descente en enfer ainsi ressentie peut avoir plusieurs lectures, laissant le lecteur à ses propres réflexions...

L’auteur prend pour point de départ de son roman l’actualité récente, celle des nombreux suicides qui touchent les plus grandes entreprises. 

La question de l’identité dans notre société contemporaine est également posée. Chaque personnage est défini par sa fonction ; l’Enquêteur, le Veilleur, le Psychologue, etc. (et pourquoi pas le Lecteur ?). Ces hommes n’ont pas de noms, le personnage principal ayant lui-même perdu le sien. Ces hommes sont des esclaves, interchangeables, comparables à des machines où le suicide serait le seul moyen de mettre un terme à cette folie robotique.

Le protagoniste est meurtri, maltraité mais s’accroche à son unique but ; mener à bien la mission qui lui a été confié. Cela fait de lui le seul être attachant et humain de l’histoire. Animé par la volonté de remplir sa fonction d’enquêteur, il finit par faire face à la futilité de son être et de la tâche qui lui a été attribué. L’homme n’est pas capable de tout comprendre comme il le prétend, aussi, comment aurait-il pus lui, comprendre ce qui a poussé tous ces hommes à mettre fin à leur vie ?

C’est un reflet de notre propre société fabriquant des hommes aliénés par leur travail et leur perte d’individualité face aux administrations et entreprises. 

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